Tous connaissaient la réputation de cette cellule. On n’y plaçait que les plus dangereux, les plus incontrôlables : un meurtrier froid, un ancien militaire devenu violent, et un troisième homme dont le dossier faisait frémir même les plus anciens surveillants. Une nuit derrière ces portes équivalait à une condamnation à mort.
Le verrou a claqué. Le métal a gémi. La porte s’est ouverte lentement.
Et ce qu’ils virent à l’intérieur fit reculer deux d’entre eux d’un pas, comme si la peur s’était matérialisée devant leurs yeux.
Les trois détenus étaient assis au sol, ligotés avec leurs propres vêtements, les visages tuméfiés mais vivants. Pas de sang sur les murs, pas de cris — seulement trois hommes terrorisés, immobiles, incapables de relever la tête. On aurait dit qu’on avait retiré de leurs yeux toute trace de défi, de rage, de force.
Au centre de la cellule se tenait Anna.
Ses cheveux étaient en désordre, sa chemise froissée, mais son regard était calme, droit, glacial. Elle ne tremblait pas. Elle ne semblait ni vaincue ni humiliée. Elle dominait la pièce. Un silence brutal régnait autour d’elle, comme si le moindre son pouvait réveiller quelque chose d’encore plus dangereux.

— Vous vouliez voir comment je serais au lever du jour, murmura-t-elle, assez fort pour être entendue de tous. Regardez-moi.
Les gardiens se figèrent. Aucun ne comprenait. Comment cette jeune surveillante, envoyée comme punition parmi les bêtes les plus redoutées, se tenait-elle ici, vivante — et pire encore, invaincue?
Plus tard, l’un des détenus — l’ancien militaire, un colosse que personne n’osait approcher — avoua d’une voix brisée :
— Elle ne nous a rien fait… Elle n’a pas crié. Pas supplié. Elle nous regardait seulement. Avec des yeux… comme la nuit. On n’a pas osé la toucher. J’avais l’impression qu’on était enfermés avec quelque chose de plus fort que nous.
Quand Anna fut escortée dans la cour, le directeur de la prison l’attendait déjà. Il espérait la voir brisée, effondrée, prête à implorer pitié. Mais elle s’avança, le regard planté dans le sien, sans hésitation.
— Vous parlez d’ordre, de discipline, dit-elle, mais les véritables monstres ici ne portent pas de numéros. Ils portent un uniforme.
Le silence tomba comme une pierre. Le directeur pâlit. Il ouvrit la bouche pour répliquer — mais Anna sortit de sa poche un petit enregistreur. Elle appuya sur un bouton.
La voix du directeur résonna dans la cour, claire, indiscutable :
« Tu passeras la nuit avec eux. On verra demain si tu feras encore la courageuse. »
Personne ne bougea. La vérité venait d’exploser entre ces murs comme une bombe.
Anna tendit l’appareil au procureur. L’affaire fut ouverte dès le lendemain. Une semaine plus tard, le directeur fut destitué, et le surveillant qui battait les prisonniers se retrouva en cellule, de l’autre côté des barreaux qu’il croyait contrôler.
La cellule 12 fut scellée. On prétend qu’elle porte encore l’écho de cette nuit.
Quant à Anna — elle quitta la prison d’elle-même. Mais son nom circule encore, bas, comme un avertissement que les nouvelles recrues se murmurent entre elles :
« Ne crains pas les prisonniers. Crains celui qui regarde l’obscurité sans baisser les yeux. »
On dit que, certains soirs, quand tout est silencieux, on entend un souffle derrière la porte close de la cellule 12.
Pas un cri. Pas une plainte.
Juste le souvenir d’une nuit où la peur changea de camp.
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