À la maison, j’ai découpé quelques tranches, j’en ai mangé sans réfléchir, puis j’ai remis le reste au frigo. Tout semblait parfaitement normal, banal, quotidien.
Ce matin, en sortant ce même saucisson pour le petit-déjeuner, j’ai senti quelque chose d’étrange au moment de couper. Le couteau glissait mollement, puis s’arrêtait brusquement, comme s’il heurtait un noyau dur, étranger. J’ai d’abord pensé que le saucisson avait gelé pendant la nuit. Mais à la troisième tranche, la lame s’est presque bloquée. Intrigué et un peu inquiet, j’ai écarté les morceaux.
Au centre de la chair rosée brillait un petit objet métallique. Mon cœur s’est figé. Avec précaution, j’ai creusé dans la masse en essayant de garder mon calme. Ce que j’ai extrait m’a donné la nausée : une clé USB, intacte, soigneusement enfouie comme un secret.
Mon estomac s’est retourné. J’avais déjà mangé ce produit. Déjà avalé quelque chose qui avait contenu… ça. Comment une clé USB peut-elle se retrouver à l’intérieur d’un produit emballé, certifié, scellé en usine ? C’était impossible, et pourtant c’était là, dans ma main, froide comme un avertissement.

La répulsion a cédé la place à une curiosité malsaine. J’ai allumé l’ordinateur, inséré la clé. L’écran a clignoté, s’est assombri, puis un seul fichier est apparu. Quelques mégaoctets seulement. Nom du fichier : NE PAS OUVRIR.
J’ai hésité. Une fraction de seconde seulement.
J’ai cliqué.
La vidéo s’est lancée immédiatement, sans chargement. Une pièce sombre, éclairée par une seule lampe suspendue au-dessus d’une table métallique. Un homme était assis là, immobile, portant une blouse blanche. Son visage était entièrement recouvert d’un masque noir, lisse, sans yeux, sans bouche. Il ne bougeait pas. Il attendait.
Puis une porte s’est ouverte dans la pénombre. Un deuxième homme est entré. Aucun échange de mots. Juste le bruit de leurs respirations, lourd, presque étouffant. Le nouveau venu a sorti de sa poche une clé USB exactement semblable à la mienne. Il l’a posée sur la table. Le premier homme a alors déposé devant lui un saucisson identique à celui que j’avais acheté. Même marque, même emballage, même aspect.
Le second a fendu la surface de la viande, a glissé la clé USB dedans comme on cache un message interdit, puis a refermé soigneusement le tout, recollant l’emballage avec une précision presque chirurgicale. Chaque geste semblait répété, maîtrisé, comme un rituel.
La vidéo s’est arrêtée net.
Je suis resté devant l’écran, incapable de bouger. Ma gorge était sèche, mes mains tremblaient. Pourquoi ce fichier s’est-il retrouvé chez moi ? Pourquoi moi ? Était-ce un hasard, une erreur, ou une livraison intentionnelle ?
J’ai tenté d’ouvrir les fichiers cachés de la clé. Il y avait d’autres dossiers, cryptés, inaccessibles sans mot de passe. Quelque chose de plus profond, de plus dangereux, y dormait encore. J’ai senti que je n’aurais jamais dû regarder cette vidéo.
C’est alors que le téléphone a sonné.
Numéro masqué. Je décroche. Silence. Puis un souffle. Lent, lourd, proche, presque intime. J’ai raccroché. Cinq minutes plus tard, un autre appel. Puis un autre. J’ai fini par éteindre le téléphone, retirer la carte SIM.
Mais les messages ont continué. Dans les applications. Depuis des comptes anonymes. Sans photo, sans nom.
Un seul mot :
Rends-la.
À ce moment-là, j’ai levé les yeux vers la fenêtre. En bas, près de la résidence, une voiture noire était garée. Phare éteints. Pas de bruit. Mais elle n’est pas partie. Elle est restée pendant des heures, comme en faction.
Depuis cette nuit-là, je n’ai presque pas dormi. Dans le couloir, tard dans la soirée, j’entends des pas qui s’arrêtent juste devant ma porte. Parfois, j’ose regarder par le judas — je crois y voir une silhouette, statique, patiente. Le matin, je trouve souvent un petit papier glissé sous la porte.
Toujours la même phrase, écrite à l’encre noire :
Tu n’aurais pas dû regarder.
La clé USB est encore sur mon bureau. Petite, banale, presque insignifiante. Mais je sais maintenant qu’elle porte quelque chose que je ne devais jamais découvrir. Quelque chose que certains veulent récupérer, à n’importe quel prix.
Et si un jour je ne réponds plus…
…vous saurez que ceux qui l’attendaient sont enfin venus.
Отправить ответ