
Serge s’était transféré à l’université en quatrième année, à la fin du mois de septembre. Lorsqu’il entra dans l’amphithéâtre, les étudiants s’étaient déjà tous installés au fond de la salle, comme c’est souvent le cas. Un seul siège était libre, à l’avant, juste à côté d’Anna. Curieusement, cet endroit était toujours vide, comme s’il appartenait à personne — ou à elle seule.
Il s’y installa sans trop réfléchir. Et c’est ainsi que commença une histoire que ni lui ni elle n’auraient pu imaginer.
Deux solitudes côte à côte
Anna était discrète, studieuse, fuyante. Elle quittait toujours l’université en vitesse, sans s’attarder. Elle devait rentrer préparer le dîner pour son père. Sa mère était morte quand elle était jeune, et depuis, elle s’occupait de la maison. Elle n’attendait rien de personne. Elle vivait pour survivre, et survivait pour tenir sa promesse à sa mère : ne jamais laisser son père seul.

Serge, lui, portait en silence une douleur ancienne. Il avait perdu sa femme dans un accident de voiture il y avait cinq ans. Depuis, chaque samedi matin, il lui rendait visite au cimetière. Il lui parlait, lui racontait sa semaine, et surtout, il lui apportait ses fleurs préférées : des lys blancs. Ce rituel était tout ce qui lui restait de leur amour.
Un matin comme les autres… ou presque
Un samedi matin, Serge se leva, comme toujours. Il alla au marché, choisit soigneusement les lys les plus frais, et partit vers le cimetière. Il resta un moment en silence, puis déposa les fleurs sur la tombe, comme d’habitude. Il rentra chez lui, retira son manteau, posa ses clés… et entra dans la cuisine.
Il s’arrêta net.
Sur la table, dans un vase en porcelaine fine, se trouvaient des lys blancs. Frais. Identiques à ceux qu’il venait de déposer au cimetière.
Il se sentit glacé. Vérifia ses poches, ses sacs, retourna jusqu’à la porte d’entrée : rien. Il n’avait pas acheté deux bouquets. Personne n’était entré. Il vivait seul. Et pourtant… ces fleurs étaient là. Dans sa maison.
Un signe ou une illusion ?
Il n’en parla à personne. Pas tout de suite. Il pensa avoir rêvé, ou être devenu fou. Mais les fleurs restaient là. Leur parfum, leur fraîcheur… Il ne pouvait nier leur présence. Une semaine plus tard, il osa en parler à Anna. Elle ne rit pas. Ne douta pas.
Elle posa doucement sa main sur la sienne et dit :
— Peut-être que l’amour ne meurt jamais. Peut-être qu’il trouve simplement d’autres moyens de nous parler, quand on l’a trop longtemps ignoré.
Une renaissance silencieuse
Leurs discussions devinrent plus longues. Ils commencèrent à se voir en dehors de l’université. Lentement, Serge redécouvrit le goût de la vie. Pas pour remplacer ce qu’il avait perdu, mais pour accueillir ce qui venait. Anna n’était pas sa défunte épouse. Elle était elle-même. Différente, mais vraie.
Un an plus tard, ils vivaient ensemble. Chaque printemps, Serge déposait toujours un bouquet de lys blancs sur la tombe de sa femme. Mais il en laissait aussi un autre, identique, dans le vase de la cuisine. Par respect. Par mémoire. Et peut-être, par reconnaissance.
Conclusion : l’amour ne s’éteint pas, il change de visage
Cette histoire n’est pas un conte surnaturel. Elle est profondément humaine. Elle parle de deuil, de mémoire, et de résilience. Elle rappelle que l’amour ne disparaît pas avec la mort. Il reste dans nos gestes, dans nos silences, dans les objets simples — une fleur, une tasse, un livre — et parfois, dans le regard d’une autre personne qui arrive quand on ne s’y attend plus.
Parfois, il suffit d’entrer dans une cuisine, et de voir des fleurs qu’on croyait perdues pour comprendre que rien n’est jamais vraiment fini, tant que l’on aime encore.
Отправить ответ