Je me tenais en face de lui, les doigts serrés autour de mon bouquet qui tremblait malgré tous mes efforts pour paraître sereine.


Le célébrant prononçait les mots solennels du mariage, ces mêmes mots qui, un mois plus tôt, me faisaient rêver. Aujourd’hui pourtant, ils résonnaient trop fort, comme si derrière eux j’entendais le murmure inquiet des invités, leurs pensées jamais dites mais parfaitement lisibles : « Pourquoi épouse-t-elle cet homme ? »

Je sentais qu’ils ne nous regardaient pas comme un couple. Ils regardaient moi, comme si j’étais en train de commettre une folie. Mais je ne regrettais rien. Pas une seconde.

Parce que je voulais lui. Lui, tel qu’il était devenu. Lui, tel qu’il avait survécu.

Il saisit doucement ma main. Je sentis sa chaleur, mais aussi une tension inhabituelle — son pouce pressait le mien trop fortement, comme s’il avait peur de quelque chose. Et cela me blessa davantage que tous les regards compatissants posés sur nous.

— Tu es prête ? murmura-t-il avec ce sourire qui m’avait accompagnée toutes ces années.

— Toujours, répondis-je.

Le célébrant invita les invités à se lever. La musique changea, devenant plus douce, presque poignante. C’est alors que je remarquai sa respiration : rapide, saccadée, comme s’il venait de courir alors qu’il ne quittait jamais son fauteuil. Son visage était pâle. De petites gouttes de sueur brillaient sur son front.

Je me penchai vers lui.

— Tu te sens bien ?

Il voulut répondre, mais sa voix s’éteignit. Et soudain, quelque chose se produisit — quelque chose que personne, absolument personne, n’aurait pu prévoir.

Il lâcha ma main.

Et se leva.

Au début, ce ne fut qu’un mouvement infime, à peine perceptible. Mais moi, je vis tout : comment il s’appuya sur les accoudoirs de son fauteuil, comment ses muscles se contractèrent, comment il serra les dents pour ne pas gémir.

— Qu’est-ce que tu fais ? soufflai-je, totalement bouleversée. — Tu sais bien que tu ne peux pas…

Mais il se redressa. Lentement. Douloureusement. Chaque seconde semblait une éternité. Ses jambes tremblaient, son corps vacillait dangereusement. Et pourtant, il se tenait debout. Debout devant moi, sans fauteuil, pour la première fois depuis l’accident.

Les invités laissèrent échapper un cri de surprise. Certains se couvrirent la bouche de leurs mains, d’autres restèrent figés, incapables de comprendre ce qu’ils voyaient. La musique continuait, inconsciente de ce miracle qui se déroulait au centre de la salle.

Il restait debout.

Et son regard se planta dans le mien, si intense que j’en eus le souffle coupé.

— Je ne pouvais pas… dit-il dans un souffle brisé. — Je ne pouvais pas rester assis pendant que je te promets ma vie. Je voulais… au moins une fois… me tenir devant toi comme avant.

Mes lèvres tremblaient. Mon cœur battait si fort que j’avais l’impression qu’il allait se briser. Je voyais sa douleur, son courage dément, cet effort insensé qu’il faisait pour moi, uniquement pour moi. Je savais qu’il pouvait s’effondrer d’une seconde à l’autre.

Et puis il fit un pas.

Un petit pas. Hésitant. Fragile.

Mais un pas.

Un silence profond envahit la salle, comme si l’air lui-même retenait sa respiration. Les yeux de tous étaient fixés sur lui.

Il avança vers moi.

Chaque pas était une lutte contre son propre corps, contre la souffrance, contre les limites que le destin lui avait imposées. Mais il avançait. Il continuait. Pour moi.

Lorsqu’il arriva enfin jusqu’à moi, il chancela, et je le rattrapai instinctivement, l’entourant de mes bras, comme si je pouvais le protéger de tout. Je sentais son corps trembler, vidé de ses forces, mais dans ses yeux brillait quelque chose que je n’avais pas vu depuis la nuit de l’accident : une lumière nouvelle, féroce, vivante.

— Je t’aime, murmura-t-il. — Merci de ne m’avoir jamais abandonné. Merci de voir l’homme que je suis… et non ce que j’ai perdu.

Des larmes chaudes coulèrent sur mes joues sans que je puisse les retenir.

— Tu es mon homme. Je n’ai pas besoin que tu marches pour moi. J’ai seulement besoin que tu sois là.

À ce moment-là, quelque chose changea dans la salle.
Les regards compatissants disparurent.
La pitié s’effaça.

Pour la première fois, je vis dans leurs yeux non pas la tristesse, mais le respect.

Il se rassit enfin dans son fauteuil, épuisé, livide, mais heureux. Si heureux que mon cœur se serra d’émotion.

Et j’ai compris que notre vie à partir de cet instant ne serait plus jamais la même.

Parce que l’amour n’a pas besoin de jambes pour avancer.
L’amour avance même là où tout semble impossible.
L’amour crée son propre chemin.

Et ce jour-là, au milieu de notre cérémonie, devant des dizaines de regards incrédules, nous avons compris tous les deux que, tant que nous serons ensemble, nous pourrons affronter tout.

Оставьте первый комментарий

Отправить ответ

Ваш e-mail не будет опубликован.


*