Des mèches brunes tombèrent sur le sol métallique de la salle d’entraînement de la base navale de Westport. Sous la lumière crue des néons, les casiers d’acier renvoyaient de petits éclats, tandis qu’une centaine de recrues restaient immobiles, droites comme des baïonnettes.
Le commandant Hawke, silhouette dure, regard d’acier, avançait lentement.
On aurait dit qu’il pouvait briser un homme par un simple mot.
— Ici, il n’y a pas de défilé de mode, gronda-t-il, voix sèche comme un coup de fouet.
— Vous portez l’uniforme, vous obéissez. Et vous obéissez à moi.
Son regard glissa sur les rangs, puis s’arrêta sur une jeune femme — calme, presque glaciale — dont la tresse descendait bien au-delà des épaules.
— Avancez, recrue, ordonna-t-il.
Elle s’exécuta sans un mot, le pas assuré, le regard fixé droit devant elle.
Hawke prit les ciseaux. L’air sentait le sel, le métal, et quelque chose de plus lourd encore — la discipline.
— Nom ? demanda-t-il.
— Recrue Delaney, Monsieur, répondit-elle clairement.
Une ombre de sourire passa sur les lèvres du commandant.
— Vous pensez être spéciale, Delaney ?
— Non, Monsieur.
Le premier coup de ciseaux claqua. Puis un second — plus brutal, presque savouré.
Quelques têtes frémirent, certains murmurèrent. Mais Delaney restait immobile, figée dans une droiture presque inhumaine.
Et soudain Hawke la vit.
Juste sous la base de son crâne, un minuscule signe apparaissait, à moitié caché par les mèches fraîchement coupées. Une marque circulaire, barrée d’une ligne fine, accompagnée de deux traits minuscules.
Le sang du commandant se glaça.
Ce symbole…
le sceau du projet Hélios.
Programme annulé, effacé, enterré. Officiellement inexistant.
Il recula d’un pas, comme frappé.
La salle entière semblait retenir son souffle. Les néons bourdonnaient, et les ciseaux, toujours dans sa main, pesaient maintenant comme du plomb.
— Retournez à votre place, recrue Delaney, murmura-t-il enfin.
Elle obéit. Mais en passant près de lui, leurs regards se croisèrent — un éclair bref, lourd de secrets. Rien ne serait plus comme avant.
Plus tard, seul dans la salle vidée,
Hawke s’appuya contre le bureau.
Ses doigts tremblaient. Sa respiration était courte.
Cette marque ne pouvait pas être un hasard.
Pas après ce qui s’était passé il y a dix ans.
Pas après l’explosion, les corps, les dossiers scellés à jamais.
Il ouvrit le terminal sécurisé.
FICHE : DELANEY, ELIANA — ACCÈS RESTREINT. Niveau d’autorisation insuffisant.
Même le commandant de la base n’y avait pas accès.
Qui pouvait l’avoir envoyée ici ?
Qui la surveillait ?
Une sueur froide glissa le long de sa nuque.
On venait peut-être de rouvrir une tombe qui n’aurait jamais dû l’être.
Cette nuit-là, il vint la chercher.
Les dortoirs étaient plongés dans le silence.
La porte s’ouvrit, révélant Hawke — rigide, pâle, tendu comme un câble prêt à rompre.
— Recrue Delaney. Suivez-moi.
Elle se leva aussitôt. La marque sur sa nuque scintillait comme un secret au grand jour.
Ils marchèrent dans un couloir désert. Les lumières se découpaient en segments, séparés par des pans d’obscurité.
Le commandant ouvrit une petite salle sans enseigne.
— Asseyez-vous.
Elle s’exécuta. Il resta debout, les mains posées sur la table métallique.
— Qui vous a marqué ? dit-il d’une voix basse.
— Je n’ai pas l’autorisation de divulguer cette information, Monsieur.
Ses poings se crispèrent.
— C’est le symbole d’Hélios. Ce programme n’existe plus. Comment l’avez-vous obtenu ?
Elle le regarda calmement, sans cligner.
— On me l’a posé lorsque j’étais enfant. On m’a dit que le jour viendrait où cela aurait un sens.
— Et ce jour, Monsieur… est arrivé.
Une phrase — simple, mais terrifiante.
À des kilomètres de là,
un écran s’alluma dans une pièce sans fenêtre.
Tentative de consultation non autorisée. Sujet : DELANEY.
→ Protocole Réveil activé.
Une main gantée appuya sur une touche.
Une voix neutre, presque satisfaite, déclara :
— Nous l’avons retrouvée.
Et la guerre silencieuse — jamais annoncée, jamais terminée — recommença.
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