Depuis plusieurs jours, ils observaient le quartier. Chaque soir, cachés dans leur voiture, ils notaient tout : les lumières qui s’allumaient, celles qui s’éteignaient, les allées et venues des voisins. Leur cible semblait parfaite : une petite maison décrépite au bout de la rue, aux volets bleus écaillés. Là vivait une vieille femme, seule, silencieuse, que personne ne voyait jamais.
Les rumeurs disaient qu’elle avait un fils, parti vivre à l’étranger, qui lui envoyait de l’argent chaque mois. Elle n’avait pas confiance dans les banques et gardait tout son argent sous le matelas. « Une vieille école, facile à berner », avait dit l’un d’eux.
Cette nuit-là, vêtus de noir, masqués et gantés, ils s’approchèrent de la maison. Pas question de forcer la porte — trop de bruit. Ils avaient repéré une fenêtre qui ne se fermait jamais complètement. En quelques secondes, elle céda sous leurs outils. Ils entrèrent.
À l’intérieur, il régnait une odeur étrange, un mélange de poussière, de brûlé et… d’autre chose. Quelque chose de vivant, presque organique.
— C’est quoi ce truc ? murmura l’un.
— Vieille baraque, t’en fais pas, répondit l’autre.
Ils avancèrent à pas feutrés. Dans le faisceau de leur lampe, des poupées de porcelaine les fixaient depuis les étagères, leurs yeux de verre brillant dans la pénombre. Le parquet craquait sous leurs bottes. Tout semblait figé… sauf le bruit.
Un frottement. Un grattement régulier, venu du mur du fond.
— T’as entendu ?
— Des souris, idiot. Allons chercher le fric.
Dans la chambre, la lumière de la lampe révéla un lit défait, un crucifix au mur, des photos jaunies. Sur la table de chevet, une bougie à moitié fondue et un vieux portrait d’homme en uniforme.
L’un des voleurs souleva le matelas. Pas d’argent. Seulement des journaux brûlés, des lettres déchirées et, au milieu, un objet rond, lisse… Il tendit la main et hurla :
— Mon Dieu ! C’est un crâne !

L’autre se retourna, blême. Avant qu’il n’ait le temps de parler, un clic retentit. La lumière du couloir s’alluma toute seule. Des pas approchaient. Lents. Lourds.
Ils pointèrent la lampe vers la porte. Personne. Mais dans le grand miroir du couloir, on distinguait une silhouette. Une femme minuscule, voûtée, vêtue d’une chemise de nuit blanche. Ses cheveux argentés tombaient sur son visage.
— Elle… elle est là, balbutia l’un.
Mais en se retournant, il n’y avait personne. Seul le miroir la montrait encore.
La lumière vacilla et s’éteignit. Puis, dans l’obscurité, une voix monta du salon. Une voix de femme, lente, tremblante :
— Dors, mon petit, dors… personne ne viendra te sauver…
Les deux hommes se figèrent.
La porte s’ouvrit d’elle-même. Et dans l’embrasure, elle apparut.
La vieille dame.
Petite, fragile, mais avec un regard d’acier.
— Pourquoi êtes-vous venus chez moi ? demanda-t-elle doucement. Je vous attendais. Depuis longtemps.
— Écoutez, madame… on s’est trompés de maison…
— Non, murmura-t-elle. Vous êtes exactement là où vous deviez venir.
Elle leva la main. À ce moment précis, le lustre du plafond se détacha et tomba dans un fracas d’étincelles. Le courant sauta. Une odeur de brûlé emplit la pièce.
Une heure plus tard, quand les pompiers arrivèrent, la maison n’était plus qu’un tas de cendres.
Sur le trottoir, assise dans un fauteuil, la vieille femme tricotait calmement.
— Vous allez bien ?
— Oui, répondit-elle. Ils ne reviendront plus. Mon mari s’est occupé d’eux.
On ne retrouva jamais les corps des deux cambrioleurs.
Seulement deux silhouettes noircies, imprimées sur le mur du salon — comme des ombres figées à jamais.
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