Mon frère a épousé une fille de la campagne. Nous étions tous choqués. Mais rien ne m’avait préparé à ce que j’allais découvrir plus tard… chez moi.


Mon frère Artiom a toujours été l’homme que tout le monde admire : charismatique, sociable, sûr de lui. Il réussissait dans les affaires, savait parler aux gens, avait toujours une anecdote amusante à raconter. Et surtout, il avait une réputation bien méritée de séducteur. Toujours élégant, toujours entouré. Ses petites amies passaient et repassaient comme des pages d’un catalogue de luxe.

Alors quand il a annoncé qu’il se mariait, toute la famille s’attendait à une créature sophistiquée, une femme de carrière, sortie d’une école prestigieuse, maquillée, connectée, citadine.

Mais à la place, il nous a présenté Ania.

Ania venait d’un village reculé. Elle enseignait dans une école primaire. Silencieuse, humble, douce, vêtue simplement. Elle avait le regard franc, les gestes calmes, et un accent qui trahissait ses origines rurales.

Le choc a été général.

Les murmures dans la famille ont commencé aussitôt :

« Lui, avec une fille comme ça ? »
« Ce n’est pas son style… »
« Il va se lasser en deux semaines. »

Moi-même, je n’ai pas compris. Pas de jugement contre elle, mais connaissant mon frère, ce choix semblait improbable. Comme si un pilote de course décidait soudain de rouler en tracteur.

Un mois après leur mariage, je suis parti en déplacement professionnel. Nous partagions l’appartement familial avec Artiom. Il avait demandé à y rester temporairement avec Ania, le temps de trouver un logement à eux. J’avais accepté sans souci.

Trois semaines plus tard, je rentre.

Et dès que j’ouvre la porte, je comprends que quelque chose ne va pas.

Un silence lourd. Une odeur de javel, de propre… mais trop propre. Une propreté glacée, presque clinique. Le couloir est impeccable. Les tapis ont disparu. Les chaussures parfaitement alignées. Les cadres redressés au millimètre.

Je pousse la porte de ma chambre.

Tout est rangé, plié, lissé. Mon ordinateur est allumé. L’écran affiche un document.

Un texte. Un témoignage. Signé de mon nom.

Je lis les premières lignes. Il parle de mon enfance. De souvenirs très intimes. De douleurs que je n’ai jamais confiées à personne. Des mots que j’ai peut-être pensés dans mes moments les plus sombres, mais que je n’ai jamais osé écrire.

Et ce n’est pas moi qui l’ai écrit.

Il y a d’autres fichiers. Certains sont « écrits » par mon frère. Un autre — et là, mon cœur s’arrête — est rédigé comme une lettre de ma mère, décédée cinq ans auparavant. Elle y décrit une scène de mon enfance que je suis le seul à connaître.

Je suis paralysé.

Je marche jusqu’à la chambre d’Artiom. Et je la trouve.

Ania.

Assise dans un fauteuil. Casque audio sur les oreilles. Les yeux fermés. Devant elle, une pile de feuilles manuscrites. Toutes écrites dans des styles différents. Certaines à l’encre, d’autres au crayon. Certaines datées.

Je la touche doucement à l’épaule. Elle ouvre les yeux. Me regarde. Et sourit.

Comme si tout cela était parfaitement normal.

— « Tu as écrit ça ? »
— « Pas vraiment », dit-elle. « Je les ai seulement écoutés. Et j’ai retranscrit. »
— « Écouté… qui ? »
— « Ceux qui ne parlent plus. Ceux qui ont encore quelque chose à dire. »

J’appelle Artiom. Il arrive rapidement. Rit d’abord. Puis lit une lettre.

Et son sourire disparaît.

C’est une lettre signée de notre père — parti quand nous étions enfants. Elle évoque une scène si précise, si personnelle, qu’il s’assoit, blême.

— « Elle ne pouvait pas savoir ça », dit-il.

Ils sont partis vivre à la campagne.

Il m’a dit qu’Ania ne transcrit plus. Mais qu’elle se lève parfois la nuit. Qu’elle s’assoit sous les arbres, en silence. Et que, souvent, le matin, de nouvelles pages apparaissent sur son bureau.

Nous n’en parlons plus. Nous ne cherchons plus à comprendre.

Mais depuis ce jour, je n’ouvre plus la porte de chez moi de la même façon.

Et je me suis rendu compte d’une chose :
Ce n’est pas le surnaturel qui nous effraie le plus.
C’est quand l’inexplicable nous parle avec nos propres mots.

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