
Le soleil de juin caressait doucement le dos de Ioulia alors qu’elle marchait lentement entre les pierres tombales de marbre dans un cimetière de Kiev. Les monuments étincelaient de froideur, et pourtant, c’est ici que Ioulia venait chercher ce que la vie lui refusait ailleurs : de quoi survivre.

Enceinte, récemment libérée de prison après avoir purgé une peine pour excès de légitime défense, Ioulia n’avait plus rien — pas de toit, pas de famille, pas de revenu. Elle n’avait que sa volonté de vivre, et l’enfant qu’elle portait. Pour manger, elle errait parmi les tombes, ramassant les aliments que les proches des défunts laissaient sur les pierres funéraires : du pain, des œufs, des sucreries. Ce n’était pas de la charité — c’était de la survie.
La découverte
Ce jour-là, alors qu’elle empruntait une allée familière, son regard fut attiré par un objet sous un banc près d’une tombe imposante. Elle s’approcha et vit un portefeuille en cuir. Il semblait neuf, lourd, luxueux.
Son cœur accéléra. Elle regarda autour d’elle. Personne.
Elle ouvrit le portefeuille : plusieurs billets de 500 hryvnias, des cartes bancaires, une photo d’une femme âgée… et un petit mot manuscrit :
« Si tu as trouvé ceci, c’est que tu en as peut-être plus besoin que moi. J’espère que tu ne le gâcheras pas. »
Un dilemme silencieux
Ioulia resta figée. Était-ce une coïncidence ? Un test ? Un geste de compassion anonyme ?
Dans sa tête, une tempête. Avec cet argent, elle pouvait manger plusieurs jours, peut-être même se payer une chambre. Mais ces cartes bancaires renvoyaient à une identité, à une personne réelle. Voler ? Ou accepter un cadeau ? Où se trouvait la frontière ?
Le choix
Sur la pierre tombale, elle lut : Galina Nikolaïevna Jojobova, 1946–2023. Aucune mention d’un mari, aucun message d’adieu familial. Peut-être la solitude. Peut-être le geste d’un proche, ou d’une inconnue compatissante.
Elle regarda son ventre. Son enfant n’avait encore rien vu du monde, mais il avait déjà connu la faim, la rue, la peur.
Ioulia comprit que sa décision définirait le genre de mère qu’elle deviendrait.
Elle referma le portefeuille et le reposa exactement là où elle l’avait trouvé. Puis, sur un vieux ticket de caisse froissé, elle écrivit :
« Merci. J’ai faim. Mais je veux que mon enfant sache que sa mère a choisi la dignité. »
Le départ
Ce jour-là, elle repartit les mains vides. Pas d’argent, pas de nourriture. Mais dans son cœur, un poids s’était allégé. Pour la première fois depuis longtemps, elle s’était sentie humaine, droite, capable de dire non à la facilité pour préserver ce qui lui restait : sa conscience.
Dans un monde qui juge trop vite, qui punit longtemps après les fautes, Ioulia avait choisi de ne pas céder au désespoir. Elle avait choisi de se relever.
Et peut-être, ce jour-là, l’espoir n’était pas mort. Peut-être venait-il de renaître, là, au milieu des tombes.
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