Ses cheveux étaient soigneusement coiffés, ses mains posées calmement sur ses genoux. Mais le plus troublant n’était pas son apparence — c’était son calme.
À côté d’elle, sur le drap immaculé, se trouvaient des objets parfaitement alignés. Ses objets à lui. La montre qu’il prétendait avoir oubliée au bureau. Sa ceinture. Ses boutons de manchette. Et un téléphone. Le second téléphone. Celui qu’il pensait caché à jamais.
Un frisson glacé lui parcourut l’échine.
— Bonjour, dit-elle doucement en le regardant droit dans les yeux. Sans reproche. Sans colère. Sans larmes.
Il voulut parler, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Toutes les excuses qu’il avait répétées pendant le trajet s’évaporèrent en un instant. Rien ne pouvait justifier cette scène.
— Tu es rentré tard, reprit-elle. Je t’attendais.
Il recula d’un pas, comme s’il cherchait une issue, mais la pièce semblait se refermer sur lui.
— Comment… comment tu sais ? murmura-t-il.
— Comment je sais ? Elle esquissa un sourire triste. Tu pensais vraiment que je ne voyais rien ? Que j’étais naïve ? Qu’on pouvait disparaître des nuits entières, rentrer à l’aube imprégné d’un autre parfum, et que je continuerais à croire à tes mensonges ?
Elle se leva lentement. Sans précipitation. À cet instant, il la vit autrement. Pas comme une femme fatiguée ou résignée, mais comme quelqu’un de lucide. De déterminé. De déjà détaché.

— Je savais tout, dit-elle. La jeune femme. Les nuits. Les longs trajets vers la périphérie. Ton rire là-bas… celui que je n’entendais plus ici depuis des années.
Il voulut se défendre, dire quelque chose, n’importe quoi. Elle leva la main.
— Attends. Ce n’est pas fini.
Elle prit le téléphone posé sur le lit.
— Pendant que tu vivais ta légèreté, cette nuit, moi aussi j’étais éveillée.
Son cœur se mit à battre trop vite.
— J’ai appelé, continua-t-elle. Ta mère. Ton patron. Et notre fils. Je leur ai tout expliqué. Calmement. Sans cris. Tu sais, dire la vérité devient étonnamment simple quand on n’attend plus rien.
Son visage se décomposa.
— Et puis… elle marqua une pause. J’ai déposé la demande de divorce. Cette nuit. En ligne. La technologie facilite beaucoup les séparations.
Il comprit alors que ce n’était ni une menace, ni une mise en scène. C’était une décision prise depuis longtemps.
— Tu peux prendre tes affaires, dit-elle. J’ai vidé l’armoire. Tout est prêt dans l’entrée. Je n’ai rien cassé, rien jeté. Je ne voulais pas salir la fin.
Elle passa près de lui sans même le frôler.
— Tu sais ce qui fait le plus mal ? dit-elle en se retournant une dernière fois. Ce n’est pas ta trahison. C’est le fait que j’ai attendu si longtemps que tu reviennes. Pas physiquement. Mais vraiment.
La porte se referma doucement.
Il resta seul dans la chambre. Entouré d’un silence pesant. De ses affaires devenues étrangères. De ses choix enfin dévoilés.
Et pour la première fois, il comprit :
il ne l’avait pas perdue cette nuit-là.
Il l’avait perdue bien avant.
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