L’air était doux, parfumé, presque apaisant. Les couleurs des roses et des lys brillaient sous les lumières. Tout semblait paisible… jusqu’à ce que je remarque un vieil homme debout près de la porte.
Il portait un manteau usé mais propre, un pantalon bien repassé, des chaussures anciennes mais cirées. Il ne ressemblait pas à un mendiant — seulement à quelqu’un que la vie avait un peu oublié. Son regard était doux, fatigué, mais plein de dignité.
Une jeune vendeuse, jolie mais arrogante, leva les yeux vers lui avec impatience.
— Qu’est-ce que vous faites là, papi ? Vous bloquez l’entrée, allez plus loin !
Le vieil homme baissa légèrement la tête.
— Excusez-moi, mademoiselle… pourriez-vous me dire combien coûte une simple branche de mimosa ?
Elle soupira bruyamment, exaspérée.
— Sérieusement ? Vous n’avez même pas de quoi payer. Pourquoi demander ?
L’homme plongea sa main tremblante dans sa poche et sortit trois billets froissés de dix euros.
— Peut-être… pour trente euros, vous pourriez me vendre quelque chose ?
La jeune femme ricana, attrapa une tige presque morte, cassée et décolorée.
— Tenez. Voilà votre mimosa. Maintenant, partez, s’il vous plaît.
Il prit la branche avec délicatesse, comme si c’était de l’or. Il essaya de redresser la tige, puis je vis une larme couler sur sa joue ridée. Il ne disait rien, mais son visage exprimait une tristesse si profonde que j’en eus le souffle coupé.
Quelque chose s’est brisé en moi à ce moment-là. J’ai avancé vers le comptoir.
— S’il vous plaît, mademoiselle, préparez-moi le plus beau bouquet que vous ayez ici.
Elle changea aussitôt d’attitude, retrouvant son sourire commercial.
— Bien sûr, monsieur ! Celui-ci, c’est notre plus grand — sept cents euros.

Je fis semblant de réfléchir, puis répondis calmement :
— En réalité, non. Faites le plus beau bouquet que vous puissiez pour ce monsieur. Les sept cents euros sont pour lui.
Le silence tomba comme une pierre. Tous les clients s’arrêtèrent. La vendeuse me regarda, bouche ouverte. Le vieil homme leva lentement la tête.
— Je… je ne peux pas accepter cela, monsieur.
— Vous le pouvez, répondis-je. Parce qu’aujourd’hui, c’est à vous qu’on doit offrir des fleurs.
La vendeuse rougit. Sans un mot, elle commença à composer un bouquet — soigneusement cette fois, avec des roses, du mimosa, un peu d’eucalyptus. Elle y mit une tendresse visible, presque coupable. Quand elle eut terminé, elle le tendit au vieil homme.
Il le prit dans ses mains tremblantes et murmura :
— Merci… Vous savez, cela fait vingt ans jour pour jour que ma femme est partie. Chaque année, je lui apporte une branche de mimosa. C’était sa fleur préférée.
Je restai figé. Sept cents euros me semblèrent soudain ridicules face à la valeur de cette histoire, de cet amour silencieux et fidèle.
L’homme posa le bouquet sur le comptoir et sortit ses trois billets.
— Je ne peux pas partir sans payer. Voici tout ce que j’ai.
Les yeux de la vendeuse s’embuèrent. Elle prit l’argent, la voix brisée :
— Pardonnez-moi, monsieur. Je n’aurais jamais dû vous parler ainsi.
Il sourit faiblement.
— Vous êtes jeune. Ce qui compte, c’est de ne pas oublier ce que c’est, la gentillesse.
Et il sortit, lentement, son bouquet serré contre le cœur.
Je restai là, incapable de bouger. Le silence dans la boutique était lourd, presque sacré. En sortant à mon tour, je le vis à l’arrêt de bus. Il regardait le ciel gris, la neige tombait doucement sur son manteau. Et sur son visage… un sourire.
Un sourire paisible, d’un homme qui venait de recevoir un peu d’humanité.
Depuis ce jour, chaque fois que je passe devant un fleuriste, je me souviens de lui. Et je me dis : il suffit d’un geste pour rendre la dignité à un cœur brisé.
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