L’aube n’était pas encore levée quand le vieux pêcheur quitta sa cabane. L’air sentait le sel et le froid, le vent faisait frissonner la mer qui s’étendait, sombre et silencieuse. Comme chaque matin, il prit ses filets, vérifia sa barque et descendit lentement vers le rivage. Mais ce matin-là, quelque chose d’étrange l’attendait sur la grève.
Entre les rochers, à moitié recouvert d’algues, gisait un objet métallique. Au début, il pensa qu’il s’agissait d’un vieux coffre ou d’un morceau d’épave rejeté par les vagues. Mais en s’approchant, il sentit une peur sourde l’envahir. Ce n’était pas un coffre.
C’était un cercueil.
Le métal était rongé par la rouille, les charnières couvertes de sel. On aurait dit qu’il avait passé des années sous l’eau avant d’être rendu par la mer.
Le pêcheur resta figé. Autour de lui, il n’y avait que le bruit des vagues et le cri des mouettes.
Il voulut d’abord s’en aller, prévenir les autorités. Mais la curiosité, plus forte que la raison, le cloua sur place. Il posa la main sur le couvercle froid. Un petit cadenas rouillé retenait encore la fermeture. Un coup sec suffit à le briser.
Son cœur battait à tout rompre. Lentement, il souleva le couvercle…
À l’intérieur, un homme.
Pas un squelette, pas un cadavre en décomposition — non, un corps presque intact. Le visage pâle, les lèvres serrées, les traits calmes, comme s’il dormait. Il portait un vieil uniforme de marin, d’un bleu sombre brodé d’or, avec un insigne terni sur la poitrine. Et ses yeux… ses yeux étaient ouverts. Gris, limpides, presque vivants.
Le pêcheur recula, les jambes tremblantes. Le vent tomba d’un coup. Le silence devint si lourd qu’il entendit le sang battre à ses tempes. Puis, il remarqua un objet posé sur la poitrine du défunt : une plaque de métal gravée de mots effacés par le temps.
Il la prit entre ses doigts, et un frisson glacé parcourut son corps.

Les lettres étaient encore lisibles :
« Ne trouble pas le repos de la mer. »
À cet instant, un bruit sourd résonna depuis l’eau.
Les vagues se soulevèrent, l’écume tourbillonna autour de ses pieds. Le vent se leva, hurlant comme un cri humain. Le cercueil vibra, puis bougea. Le corps à l’intérieur se contracta — une goutte d’eau s’échappa de ses lèvres entrouvertes.
Le pêcheur hurla et s’enfuit vers le village, trébuchant sur le sable mouillé. Lorsqu’il atteignit sa maison, il tremblait de tout son être.
— Il… il m’a regardé ! Il a ouvert les yeux ! — balbutia-t-il.
Les gendarmes arrivèrent plus tard. Mais sur la plage, il n’y avait plus rien. Pas de cercueil, pas de trace, rien que des empreintes effacées par la marée.
Personne ne voulut le croire.
Trois jours plus tard, sur une autre plage, à dix kilomètres de là, les habitants trouvèrent un autre cercueil métallique. Cette fois, ils ne l’ouvrirent pas. Ils le recouvrirent de sable et dressèrent une croix.
Une semaine passa. Et un matin, on retrouva le pêcheur dans sa barque, inconscient. Sur sa poitrine, collée à la peau, se trouvait la même plaque de métal, la même inscription :
« Ne trouble pas le repos de la mer. »
Lorsqu’il reprit connaissance, ses yeux étaient vides. Il répétait d’une voix rauque :
— Ils reviennent… La mer ne dort plus…
Depuis ce jour, plus personne dans le village n’ose sortir avant l’aube.
Les anciens racontent qu’aux nuits sans lune, on entend du large un son étouffé, comme des coups contre du métal — le bruit des cercueils qui s’ouvrent à nouveau sous l’eau.
Et parfois, quand la brume s’étend sur la mer, on jurerait voir une silhouette marcher dans les vagues, vêtue d’un uniforme ancien, cherchant celui qui a osé profaner le silence des profondeurs.
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