la même coupe de cheveux, les mêmes traits, la même expression, jusqu’au petit grain de beauté près de la lèvre. Tout correspondait avec une précision terrifiante. Une seule chose différait : la date du décès. Une année qui n’était même pas encore arrivée.
Un bourdonnement aigu a envahi mes oreilles. J’ai senti mes jambes se dérober. Les fleurs ont glissé de mes mains engourdies et je me suis appuyée contre la stèle pour ne pas tomber. Je relisais l’inscription encore et encore, espérant y découvrir une erreur.
Le prénom. Le mien.
Le nom de famille. Celui de mon mari. Celui que j’allais porter après notre mariage.
À cet instant précis, quelque chose s’est brisé en moi.
J’ai d’abord pensé à une plaisanterie cruelle. Puis à une coïncidence monstrueuse. Mais plus je restais là, plus la vérité s’imposait : ce n’était pas une tombe ordinaire. Elle m’était destinée.
Je me suis éloignée d’un pas, comme si la pierre pouvait m’attraper. L’air me manquait, ma poitrine se serrait douloureusement. Assise par terre, j’essayais de rassembler mes souvenirs : mon mari parlait rarement de sa première épouse. Il n’avait jamais prononcé son prénom, jamais montré de photo. Toujours des phrases vagues, comme s’il effaçait volontairement les détails.
Ce silence n’était pas de la douleur. C’était de la peur.
Une femme âgée entretenait une tombe voisine. Je me suis approchée d’elle et, la voix tremblante, je lui ai demandé depuis quand cette sépulture se trouvait ici. Elle m’a observée attentivement… puis son visage s’est vidé de toute couleur.
— Mon Dieu… vous lui ressemblez énormément, a-t-elle murmuré.
— À qui ? ai-je demandé, presque en criant.

— À la femme enterrée là. Tout le monde l’avait remarqué à l’époque. Son mari disait qu’elle était morte dans un accident, mais…
— Mais quoi ?
Elle a baissé la voix, regardant autour d’elle :
— Le cercueil était fermé. Et la police est revenue le voir plusieurs fois après l’enterrement.
Je n’ai rien voulu entendre de plus. J’ai quitté le cimetière en courant, trébuchant, le souffle coupé. Une seule idée me martelait la tête : je devais lui parler.
Quand je suis rentrée, il était déjà là. Assis calmement à la table de la cuisine, comme s’il m’attendait. En voyant mon visage, il a tout compris. Aucune question. Aucun étonnement.
— Tu y es allée, a-t-il dit doucement.
Sans un mot, j’ai posé devant lui mon téléphone avec la photo de la tombe.
— Explique-moi.
Il est resté silencieux longtemps. Puis il a prononcé une phrase qui m’a glacé le sang :
— Je ne voulais pas que tu l’apprennes de cette façon.
Sa première femme était bien morte. Mais pas dans un accident. Elle avait découvert qu’il recherchait des femmes qui lui ressemblaient étrangement. Lui appelait cela le destin. La police parlait d’obsession dangereuse.
Lorsqu’elle a voulu partir, tout a basculé. L’enquête a été classée. Les preuves manquaient.
Et moi… j’étais la suivante.
Notre rencontre n’était pas un hasard. Sa sincérité apparente, son refus catégorique que j’aille au cimetière, même notre mariage — tout faisait partie d’un scénario soigneusement préparé.
La tombe aussi.
Cette nuit-là, je suis partie. Sans bagages. Sans explications. J’ai disparu. Aujourd’hui, je vis dans une autre ville, sous un autre nom, et chaque jour je remercie la vie pour une seule décision : celle d’être allée sur cette tombe.
Parfois, je rêve encore de ce cimetière. Je me vois face à la pierre, contemplant mon propre visage figé dans le marbre. Et à chaque fois, je comprends la même chose : si je n’y étais pas allée ce jour-là, personne ne raconterait cette histoire.
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